GRAND entretien avec Kai Wirtz, responsable mondial des partenariats dans la chaîne de valeur alimentaire chez Bayer

Pierre Escodo, rédacteur en chef de Fructidor, a interrogé Kai Wirtz sur ses principaux objectifs et stratégies en matière de partenariats de chaîne de valeur alimentaire :

 

PE : Pourquoi les partenariats dans la chaîne de valeur sont-ils si importants pour Bayer ? Que cherchez-vous à réaliser avec eux ?

 

KW : L’agriculture se heurte aujourd’hui à des enjeux mondiaux fondamentaux : la sécurité alimentaire, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la restauration de la nature, la garantie d’une juste récompense aux petits exploitants agricoles, etc.

 

Lorsque l’on considère ces éléments, on arrive rapidement à la conclusion qu’aucune organisation ne pourra relever seule le défi. Travailler en partenariat est tout simplement ce que nous devons faire si nous voulons faire de l’agriculture une force productive et durable, conforme aux besoins des populations et de l’environnement.

 

À l’échelle mondiale, je pense que la première chose à laquelle nous pouvons contribuer grâce aux partenariats est la sécurité alimentaire – en connectant les agriculteurs aux innovations et aux pratiques afin qu’ils puissent cultiver davantage, nourrir leurs communautés et mettre un approvisionnement stable de produits sur les marchés.

 

Dans le même temps, nous pouvons garantir que les nouvelles pratiques adoptées sont durables et régénératrices – et que les agriculteurs partagent les fruits de la transition. Nous y parvenons en allant au-delà de ce qui se passe sur le terrain pour lever les barrières structurelles, sociétales ou économiques auxquelles ils peuvent être confrontés.

 

 

 

PE : Comment allez-vous vous concentrer sur la création d’avantages pour vos partenaires de la chaîne de valeur ?

 

KW : Nous aidons nos partenaires à réaliser leurs ambitions et leurs engagements en les connectant à une source de produits évolutive qui répond à leurs normes et à un ensemble d'avantages mesurables en matière de durabilité.

 

Nos projets travaillent avec les agriculteurs pour augmenter non seulement leur production mais aussi leur capacité à séquestrer le carbone, à soutenir la biodiversité ou à limiter le changement d'affectation des terres. Chez Bayer, nous sommes de plus en plus en mesure de mesurer ces avantages et de les communiquer d’une manière qui correspond aux engagements ESG communs.

 

Bien sûr, chez Bayer, nous avons nos propres engagements en matière de développement durable en termes d'émissions dans nos propres opérations, mais l'objectif des partenariats de chaîne de valeur est en réalité de réduire les émissions et les impacts dans les opérations de nos clients agriculteurs (et donc celles de la chaîne de valeur également) plutôt que de la nôtre. Il est encore assez rare de voir une entreprise lancer des initiatives de développement durable visant à aider d’autres entreprises à atteindre leurs objectifs en matière de développement durable, mais nous pensons que c’est ainsi que nous devons travailler !

 

 

 

PE : Quelle est l’importance de l’Agriculture Régénérative pour vos partenariats de chaîne de valeur ?

 

KW : L’Agriculture Régénérative est l’un des concepts dont on parle le plus aujourd’hui. Mais grâce à nos efforts de partenariat, nous la voyons approcher d’un tournant : en cessant d’être un « concept pilote » et commencer à se développer à grande échelle. De plus en plus de partenaires discutent du sujet avec nous, sollicitant des projets de partenariat spécifiquement centrés pour les aider à atteindre des résultats régénératifs, ou encore présentant des stratégies d'Agriculture Régénérative presque identiques aux nôtres. C’est un bon début pour toute initiative de partenariat !

 

D’une certaine manière, il n’est pas surprenant que cela se produise. L’Agriculture Régénératrice est quelque chose que nous devons réaliser, mais elle constitue également un changement majeur par rapport au statu quo. Ainsi, lorsque nous partageons tous cette ambition, une approche collaborative – dans un écosystème mondial avec des innovations et des connaissances partagées – est la prochaine étape naturelle.

Je suis fier que Bayer soit un pionnier dans ce domaine, avec des partenariats de chaîne de valeur établis depuis plus d’une décennie et une stratégie phytosanitaire qui place l’Agriculture Régénérative au cœur. Nous pouvons collaborer avec des partenaires pour aider les deux parties à développer les bonnes solutions et les bons mécanismes financiers pour faire de la régénération une réalité, en accord avec les besoins des agriculteurs.

 

 

 

PE : Quelles sont les principales actions à mettre en œuvre pour faire de l’Agriculture Régénérative une réalité, et comment y contribuez-vous ?

 

KW : S'aligner sur les normes est la 1ère étape pour faire de l'Agriculture Régénérative une réalité à grande échelle. Tout le monde croit que l’Agriculture Régénératrice est l’avenir, mais les différents acteurs ont encore des définitions différentes de ce qu’elle signifie ou implique réellement. Si nous parvenons tous à une norme harmonisée, cela accélérera considérablement la mise en œuvre, puisque les projets de partenariat régénérateur n’auront pas besoin de commencer par une période de compréhension mutuelle ou de négociation d’une norme commune – ils pourront simplement démarrer dès le 1er jour. La collaboration est donc déjà essentielle pour l’avenir de l’agriculture régénérative.

 

La prochaine étape, une fois que nous sommes tous « sur la même longueur d’onde », consiste à rassembler des données pour montrer ce que l’approche apporte par rapport aux pratiques conventionnelles. Et les partenariats multipartites sont ici aussi une véritable voie à suivre. Je pense à la façon dont nous contribuons à la coalition 'Living Soils of the Americas' (Sols Vivants des Amériques) avec la collecte de données et l'analyse comparative, ou nos collaborations en matière de chaîne de valeur sur le riz avec 'Direct Seeded Rice' (riz à semis direct) dans le cadre de l'Initiative pour des Marchés Durables. Leur objectif est de montrer des résultats tangibles tout en augmentant la récompense et la résilience des agriculteurs. Et, en interne, nous disposons de cadres comme le CP EIR, qui utilise des modèles scientifiques pour suivre les progrès par rapport aux principaux marqueurs d'impact environnemental. Nous avons des partenaires intéressés à utiliser le cadre CP EIR pour leurs propres opérations, et nous travaillons à la mise à disposition d’un calculateur CP EIR.

 

 

 

PE : Pouvez-vous me parler de la plateforme numérique de gestion des résidus ResiYou, annoncée en 2022 ?

 

KW : ResiYou est quelque chose que je connais très bien depuis mon expérience dans les solutions pour les fruits et légumes. Dans un environnement où chacun d'entre nous a la responsabilité de respecter les normes de plus en plus strictes de la réglementation et des détaillants en matière de gestion des résidus, ResiYou offre aux producteurs un moyen intelligent de répondre à ces besoins au cours de la saison. Il s’agit d’un outil prédictif qui utilise des modèles analytiques et l’IA pour prévoir les niveaux de résidus dans les cultures au moment de la récolte. Les utilisateurs peuvent programmer un calendrier de traitement et l'ajuster en réponse aux prévisions en temps réel. Ils conservent ainsi le pouvoir de décision et les partenaires de la chaîne de valeur peuvent avoir l’assurance que leurs produits sont conformes aux exigences. Les premiers projets pilotes de ResiYou ont été lancés l’année dernière dans la fraise en Espagne, et nous cherchons maintenant à consolider l’approche avec plus de territoires ainsi que de nombreuses cultures – comme la pêche, la nectarine, la pomme, la poire, le raisin et la tomate.

 

 

 

PE : Comment les entreprises de la chaîne de valeur peuvent-elles bénéficier de ResiYou ?

 

KW : ResiYou a été conçu dès le départ pour s'impliquer dans la chaîne de valeur, et les avantages de la chaîne de valeur sont au cœur de sa future feuille de route de développement. Nous sommes déterminés à consolider la valeur de ResiYou non seulement pour les agriculteurs, mais également pour les commerçants, les transformateurs et les détaillants.

 

Le grand avantage pour les entreprises de la chaîne de valeur est que leurs producteurs-fournisseurs peuvent devancer les exigences des détaillants à chaque étape. Ainsi, lorsqu’un négociant ou un transformateur reçoit une cargaison, il peut être sûr qu’elle sera conforme aux normes de ses partenaires en aval, ce qui signifie que l’ensemble de la chaîne de valeur est effectivement moins risqué et plus résilient.

 

Nous nous dirigeons vers la commercialisation de ResiYou en partenariat avec des entreprises de la chaîne de valeur et avons déjà un partenariat approuvé qui fournira à un détaillant des fraises répondant à leurs normes. Et nous sommes très ouverts à davantage. Si vous êtes actif dans une culture ou une géographie pertinente, nous serions ravis d’avoir de vos nouvelles !